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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 11:08

Ce matin, ils ont abattu le grand chêne.
Cela faisait déjà 1 mois que les enfants du quartier avalent été éloignés de leur aire de jeux.

Il avait déjà plus de soixante dix ans, presque centenaire. 

Il était déjà là au temps des jardins maraîchers. Il avait assisté à leur transformation en résidence de béton, puis à la construction de l'école des petits, puis de celle des moyens.

Ces petits salauds là, ils jouaient à ses pieds préférant la terre à l'aire de jeux sécurisée. Ils avaient creusé des passages sous ses racines pour y faire rouler voitures ou tracteurs miniature. Ils s'accrochaient a son tronc rugueux. Il avaient grimpé sur ses branches. Ils avaient pissé sur ses pieds. Ils avaient conscience de sa force rassurante. Ils l'ont cru indestructible.

Il était fort. La tempête de ce début d'année ne l'avait pas ébranlé. La sécheresse de l'été n'a pas non plus eu raison de lui. Il avait résisté à tous les assauts, même aux chiens qui se donnaient rendez vous au pied du centenaire, ils ne lui faisaient pas peur. Ils pissaient a qui mieux mieux, mélangeant leur urine à celle des gamins. Après la fermeture du square il l'arrosaient avec la bénédiction de leur maître plus concernés par leur ''aïe-smart-phone'' que par les traces laissées par leur animal. 

Le vieux chêne accueillait les enfants qui jouaient le jour dans sa terre souillée où plongeaient ses racines. Il leur assurait ainsi une sorte de vaccination. Par-dessus tout il assurait la protection contre le soleil des mamans et de leurs progénitures.

Désormais tu n'étendras plus tes branches par-dessus ces dames et ces papa pour les protéger de l'agression du soleil de l'été.

Moi je l'aimais, il portait en lui la mémoire de cette colline. Il habillait le paysage fracturé par des hideuses constructions du siècle passé. 

Mais n'était-ce pas les promoteurs avec leurs pelles mécaniques, ont exposé et ébranlé ses pieds en les dénudant et le laissant ainsi fragilisé au bord du terrain multisports hand-foot-patinette-pipi de chiens. Un rien aurait pu le sauver. Ils ont choisi de l'abattre !

Oh il leur aura fallu des camions, une grue, des hommes…une dizaine, pour débiter ce seigneur solitaire. 

Le voilà étendu en morceaux au sol. Feuillage d'un côté et bois de l'autre. La benne est là au côté du tronc débité. Il a fallu de nombreuses rotations car ce vieillard chenu tient de la place. 

Le bois est beau, bien serré, régulier…il aurait pu vivre encore sûrement cent ans …ou plus….Mais voilà. …sécurité….risque…..il gênait….il a été condamné à mort au nom de l'ordre….une signature en catimini a suffit. 

Ce soir 18 heures.

Voila, il est là, couché de tout son long, morceaux et morceaux alignés telle une colonne de temple antique après le passage d'un combattant inculte et terrorisant.  Ils n'ont pas pu l'abattre d'une pièce. Ils l'ont rogné tout ce jour comme aurait fait un troupeau de hyènes. 

Ils l'ont attaqué par le haut, l'ont ébranché morceaux après morceaux, démembré, bouchée à moteur après bouchée à moteur….il fallait pouvoir charger ce grand corps mort. La grue n'était pas assez forte.... le réduire en longueurs exploitables. Devenu bois de chauffage, il chauffera une famille ignorante de son histoire.

Te voilà ….souche, sciure, odeur d'essence, souvenirs…tu n'auras pas eu de photographe ni de défenseur enchaîné pour te défendre…..tu aurais eu plus de chance si tu avais été platane. Ils auraient été nombreux à te défendre ….tu aurais eu plus de chance.

Tu auras été le plus beau. Tu es à terre et nos enfants et leurs mamans grilleront un peu plus cet été. Adieu l'arbre. Cent ans et un jour. Une belle vie quoi !

Et nous qui nous abattra ? Et quand ?

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